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L'ardenne
pour les nuls

L'Ardenne pour les nuls

3 min d'histoires et anecdotes

 

«Rencontrer l’Ardenne, c’est parcourir des vallées et des plateaux, des chemins et des sentiers, des villes et des villages.

Rencontrer l’Ardenne, c’est découvrir les gens de ce pays, à la réserve attachante, à la fiabilité sans faille, à la force opiniâtre.

Rencontrer l’Ardenne, c’est passer les frontières des États, des mentalités, des langues.

Rencontrer l’Ardenne, c’est partager des expériences, des projets, des espoirs.

Rencontrer l’Ardenne, c’est rencontrer le monde pour construire un avenir partagé…»

 

                                                                                                                                                                                              Michel Francart, Linguiste et chroniqueur de langue, professeur émérite et Prorecteur honoraire de l’UCL

 

 

Souvenir d'enfance et d'en France

 

Témoignage enregistré à Sedan. « Gamin, tous les dimanches ou presque, dans les années 80, on allait en famille passer l'après-midi à Bouillon. Une demi-heure de trajet, mais un parfum d'aventure. Le dépaysement. Quelques heures aux allures de vacances. Une balade le long de la Semois, des ballotins de chocolat, une trappiste en terrasse. Et au retour, le passage à la douane. Papa qui descend la vitre. « Rien à déclarer ? » demande l'homme en uniforme. « Quelques paquets de cigarettes » répond le paternel. Toute la voiture retient son souffle. C'est bon, la barrière se lève... » C'était donc cela, les Ardennes belges pour les Ardennais français. Une terre promise, une petite Suisse. On se moquait de l'accent des Belges mais la Belgique, on aimait bien y faire ses courses et la légende disait que les routes y étaient mieux entretenues. Ah si, il y avait quand même un souci. Les conversions. « 200 francs belges, ça faisait combien en français ? On avait une formule. Fallait multiplier par 12 ou diviser par 6 ? Je ne sais plus. Ça faisait mal à la tête. A moins que la trappiste n'eût atténué nos aptitudes en calcul ? »

 

Et l'Ardenne de France vue de Belgique ? On vous livre ces réflexions notées à Namur. « Pas mal pour le paysage, mais il faut faire avec les Ardennais français. Ils sont comme tous les Français : arrogants, hautains, persifleurs, amateurs de bonne chère – comme nous - mais toujours persuadés que nous autres, Ardennais belges, ne serons jamais que leurs petits frères ».

Ardenne avec ou sans « s »

 

« Un pays de taiseux mais courageux ». Voilà ce qui se dit à Bruxelles à propos de l'Ardenne et des Ardennais.

« Il n'y a que deux saisons là-bas. L'été, du 1er au 15 août, et l'hiver, du 16 août au 31 juillet. » Et voilà ce qui se répète à Paris, toujours à propos de « chez nous ». Les clichés ont la vie dure. Les Ardennais ont le dos large. Et les Ardennes, françaises, belges et même luxembourgeoises en ont fait les frais. En 1940 par exemple. Quand certains stratèges pensaient que nos épaisses forêts suffiraient à contrarier les panzers et les stukas de l'armée nazie. Bref. Là-dessus, on ne compte plus les romans ou séries TV où l'on vous menace d'une mutation à Charleville ou à Namur. Pour les non-Ardennais, ici, c'est la Sibérie. Les chiffres sont têtus pourtant. Le soleil est généreux, notre nature préservée, nos paysages flamboyants. Nos industries ont souffert. Soit. Mais on s'en remettra. Pas si taiseux, les Ardennais, mais courageux, oui. C'est sûr. Sauf sur un point. Eux-mêmes sauront-ils jamais s'il faut écrire Ardenne ou Ardennes. Ben, ça dépend. Si on parle de la région naturelle, du massif, des circonscriptions administratives… On s'en tire par une pirouette ? L'Ardenne se découvre, les Ardennes se parcourent. Et vice-versa.

Souvent, on parle du Nord comme du plat pays.
Et l’Ardenne, alors ?
L’Ardenne est son plat de résistance. 

Armel Job, écrivain

Un village français par Simenon

 

Dans un de ses premiers romans, « Jean Pinaguet », paru en 1921, Georges Simenon décrit ainsi un village de l'Ardenne française. « Quel beau village que celui-là, où chacun travaillait, où les femmes allaient aux champs, soignaient les bêtes, cui­saient les pains, tandis que les mâles peinaient dans les scie­ries qui émaillaient les bois environnants. Ni riches ni pauvres, ai-je dit, et partant pas de haines, pas de querelles. Tous trimaient six jours sur sept, et le dimanche, tandis que les hommes jouaient aux boules, en buvant du marc, les femmes bavardaient, assises sur la place publique ou dans quelque champ voisin. Quelles heu­reuses gens que ceux-là, qui vivent en communion avec l’âpre terre et le ciel qui la vivifie ! Quels braves gens que ceux qui ne se soucient pas d’amasser, mais de manger et de boire tout leur saoul, en respirant l’o­deur des champs et des bois ! »

 Une journaliste interviewe un petit chef d'orchestre de bals populaires, dans les Ardennes belges. Que vous demande-t-on le plus souvent ? Réponse. De quel côté sont les waters ? 

Ce qu'en dit Franz Bartelt

 

Du romancier de Nouzonville (France) Franz Bartelt, dans le film documentaire réalisé avec Thierry Kübler en 2012, « Par là c'est pas comme ici » (*), sur ce qui sépare (ou non) les Ardennes belges des Ardennes françaises.

 

Une question de jambon...

 

« Le jambon belge est commercialisé comme le seul et authentique jambon d’Ardenne, alors que le jambon français est vendu comme le seul et authentique jambon des Ardennes. En ce qui concerne le cochon, pluriel ou singulier, c’est du pareil au même. Il est ardennais des deux côtés et d’un bout à l’autre. »

 

Une presqu'île, voire un « zizi »

 

« L’Ardenne française, malgré son exiguïté, qui la fait paraître comme une naine comparée à sa voisine belge qui la clôture de toutes parts ou presque, l’Ardenne française, donc, à elle seule, compte cent vingt kilomètres de frontière avec l’Ardenne belge, qui est vingt fois plus grande. L’Ardenne française est ce qu’on appelle une enclave, une pointe, une presqu’île, un doigt. Ou, de temps en temps, pas forcément chez les bons auteurs, un « zizi » dont la fonction a quelquefois été détaillée avec une effronterie qui ne saurait décemment être illustrée par des images. »

 

(*) Production : France Télévisions Région Lorraine Champagne-Ardenne,

Marie-Noëlle Hennegrave, Zadig Productions

Et le patois ?

On vous prévient : selon certains, il y autant de patois (ou parlers) que de villages ardennais. Certaines formes, certains mots sont communs aux Ardennes belges et françaises. Rassurez-vous. On arrive toujours à comprendre. Plus ou moins.

 

Exemple. Il pleut des draches. J'peux même plus zieuter à travers ma beuquette. Alors qu'hier, y'avo tant d'soleye que j'en avais des darnées…

 

Traduction : Il pleut des trombes d'eau. Je ne peux même plus observer quoi que ce soit à travers la petite fenêtre ronde au-dessus de l'évier. Alors qu'hier, le soleil était tel que j'en avais la migraine.